Ouverture de l’année Henry SIDAMBAROM

Centre Guadeloupéen des Cultures Indiennes Mercredi 29 janvier 2020 Discours du président de la Région Guadeloupe


Monsieur le Maire,
Madame/Monsieur le représentant de la présidente de la CANGT,
Mesdames et messieurs les élus,
Monsieur le directeur du Centre Guadeloupéen des Cultures Indiennes,
Mesdames et Messieurs en vos grades et qualités,
Chers membres de la famille de monsieur Henry SIDAMBAROM,
Chers invités,

Nation, pays, contrée, communauté, famille, individu, tous nous offrons notre récit au monde.

Comme toute terre, nous Guadeloupéens marquons notre récit du monde. Récit  à plusieurs mains, à plusieurs voix, neg, blancs zendien, congo, syrien, po chapé, chapé coolie, nou bien fouben pas nou savé zé zanfan péyi la. Je cite là l’igname brisée du poète Sony Rupaire, capestérien comme Henri Sidambarom et son frère d’allergie à la profitasion.  Car droit, littérature, politique, la levure commune à ces femmes et ces hommes c’est bien la révolte contre l’arbitraire.
Voilà donc trois ans maintenant que nous proposons une lecture collective de notre récit à travers le parcours singulier de personnalités d’exception. 

  • 2017 Guy Tirolien et ses Feuilles vivantes au Matin, le matin de soi-même;
  • 2018 et La langue créole Force jugulée de Dany Bébel-Gisler, le combat pour que charbonnier soit maître chez lui, dans sa langue et dans sa terre;
  • 2019 Gerty Archimède : le droit des femmes à disposer d’elles-mêmes ; Gerty première avocate de Guadeloupe, Gerty défenseuse de l’immense Angela Davis.  Et nous venons de clôturer à Morne-à-L’eau l’année qui lui était consacrée nous remettant en mémoire vive ses combats pour les droits des femmes.

Voici aujourd’hui une autre pièce maîtresse de notre récit collectif.  Enfant de Pondichéry, de Madras, de Calcutta, c’est la Guadeloupe qui le met au monde en le reconnaissant comme l’un de ses meilleurs fils dans son combat  contre l’engagisme et pour l’accession à la citoyenneté française des travailleurs  originaires de l’Inde, victime de discrimination. Un long « Procès politique » de près de 20 ans pour l’acquisition des droits civiques des « fils d’Hindous nés à la Guadeloupe ».

Nous évoquions à l’instant la figure d’Angela Davis et comment ne pas penser aux combats menés ailleurs non loin de chez nous au même moment pour les mêmes causes sur le même fond de coton de sucre et de sang.

2004, la Guadeloupe célèbre le 150ème anniversaire de l’arrivée des Indiens dans l’archipel. Coïncidence de l’histoire, cette même année célèbre le 100ème anniversaire du lancement du procès politique pour la reconnaissance des droits civiques des indiens de Guadeloupe. Le procès débute en effet en février 1904.
20 ans de combat mené de haute lutte qui placeront définitivement Henry Sidambarom au rang des grandes personnalités de l’histoire politique de ce pays.
 
Il y a un fait qui a retenu mon attention et dont j’ignore si vous en avez connaissance. Incité par les ouvriers de l’usine qui lui assurait leur soutien, Henri Sidambarom a eu le projet d’acheter l’usine marquisat à Capesterre. Mais le lobby de ceux que j’appellerai les profitants s’y est opposé et il n’obtiendra jamais le prêt qui lui aurait permis d’être le 1er homme de couleur à posséder une usine à cannes. Je sais que tout un chacun ici quelque soit son origine pèse le poids du symbole.
 
Déclarer l’année 2020 Année Sidamabarom, c’est comme je l’ai dit  célébrer un parcours dont l’exemplarité nous inspire. C’est aussi mettre à l’honneur la communauté des guadeloupéens d’origine indienne. Mais s’il est d’origine indienne Henri Sidambarom n’est d’aucune communauté, sinon celle de cette Guadeloupe que l’histoire somme de faire peuple autour de ses composantes, fruit d’une histoire de violence, et de domination mais fruit aussi d’une histoire de résistance, de partage et de fraternité. Aux côtés de Sidambarom se tiennent un Achille René Boisneuf, Gratien Candace qui se font la voix des sans voix.
 
Notre société bien souvent nous inspire un certain fatalisme et nous incite à laisser prospérer bien des égoïsmes.
Nous pourrions aussi bien nous taire ou diffuser les mêmes idées toutes faites que plus personne n’écoute vraiment. Ou alors, faire silence en nous-mêmes, écouter vraiment et humblement, nous laisser éclairer dans nos combats d’aujourd’hui par ce qui hier a permis aujourd’hui.
Oui Henry Sidambarom est d’origine indienne mais il est surtout de même « blessure sacrée » que Césaire, du même lieu fragile que Tirolien, là où « forts de la nudité riche des peuples sans racines, nous marcherons sereins parmi les cataclysmes »

Aujourd’hui je suis donc heureux d’annoncer ici au centre des cultures indiennes à Petit Canal, le lancement officiel de l’année Sidamabarom.