TRIBUNE SUR DÉFENSE DE LA POLITIQUE DE COHÉSION DE L’UNION EUROPÉENNE

« En ma qualité de Président de Région, je rencontre cette semaine le Président de la République, Emmanuel Macron, à quelques jours du prochain Conseil Européen qui s’annonce difficile. Dans le même temps, Marie-Luce Penchard, ma 2e Vice-Présidente participe demain, mercredi 27 juin 2018, dans l’enceinte du Parlement Européen, à la rencontre entre le Président du Parlement Européen Antonio Tajani et les Présidents des Régions UltraPériphériques (RUP). Il y sera question des propositions de la Commission européenne en faveur des RUP et des négociations en cours sur le prochain Cadre Financiers Pluriannuel.


Cette mobilisation de la Région Guadeloupe sur les dossiers Européens s’inscrit dans la continuité du travail entrepris dès 2016, pour une meilleure efficience des politiques régionales de l’Union Européenne.

Ainsi, à l’occasion de la 21e conférence des Présidents des Régions UltraPériphériques (CPRUP), qui s’est déroulée à Madère en septembre 2016, la Région Guadeloupe a voulu poser les fondements d’un nouveau modèle pour les relations entre l’Europe et nos Régions. Il m’apparaissait alors, nécessaire de replacer le citoyen au coeur des politiques européennes. Aujourd’hui, l’actualité européenne démontre que notre analyse était juste : Notre principale préoccupation se retrouve d’ailleurs dans le préambule du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) « assignant pour but essentiel (...) l'amélioration constante des conditions de vie et d'emploi de leurs peuples ». Les valeurs européennes, toutes les valeurs européennes, sont donc aussi les nôtres ! Si, aujourd’hui encore, il nous faut le rappeler, le répéter, alors c'est que peut-être il y a un malentendu ! Dès cette 21e conférence nous avons, une nouvelle fois, rappelé que nos spécificités sont reconnues dans le TFUE et que celles-ci doivent être davantage prises en compte par toutes les instances de l’Europe dans le cadre de l’élaboration et la mise en oeuvre des politiques européennes.

Lors de la 22e CPRUP à Cayenne en octobre 2017, en présence du Président de la Commission Européenne Jean-Claude Junker et du Président de la République, Emmanuel Macron, j’ai défendu la politique de cohésion qui est et doit rester le visage de l’Europe dans nos régions. C’est l’expression même de la solidarité européenne. Son incidence sur l’amélioration de la qualité de vie de nos citoyens est considérable.

Au fil des ans, elle a fait l’objet de nombreuses réformes et d’adaptations pour contribuer de manière significative à l’atteinte de nos objectifs de croissance. Cette politique doit continuer à bénéficier du soutien financier maximal de la part de l’Europe. Elle doit favoriser une mise en oeuvre plus souple et pragmatique des décisions européennes par une meilleure application du principe de subsidiarité et par la réaffirmation de sa mission de cohésion sociale et territoriale qui se doit d’être en phase avec la réalité de nos régions. Cette mobilisation pour le maintien de la politique de cohésion est partagée par l’ensemble des présidents des Régions françaises et des Länder allemands. Nous l’avons exprimé dans un courrier commun adressé au Président de la Commission Européenne en mars 2018.

Cependant, en mai dernier, la Commission Européenne a publié ses propositions pour le prochain Cadre Financier Pluriannuel (CFP). S’ensuivirent des publications de propositions législatives pour les fonds structurels. Très attendues, ces propositions législatives font débat, non pas sur le fond mais bien sûr la question du budget, mécaniquement en baisse, du fait du BrExit. Parmi les arbitrages qui font débat, le budget de la Politique Agricole Commune (PAC) risque de subir un coup de rabot significatif ; la Commission a d’ores et déjà indiqué que le budget de la PAC pourrait
diminuer de 5% pour la période 2021-2027.

En conséquence, la Commission a fait part de son intention de baisser sensiblement (- 3,9 %) le budget accordé au Programme d'option spécifique à l'éloignement et à l'insularité (POSEI), déclinaison de la PAC pour les régions UltraPériphériques, contrairement à l'engagement pris, suite à sa visite en Guyane en octobre 2017, par le Président de la Commission européenne de maintenir son niveau de financement. Bien que le maintien du traitement spécifique agricole pour les RUP à travers le POSEI, en dehors de la réforme de la PAC, soit appréciable, nous partageons le constat du Ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert qui a pertinemment dénoncé « une ponction aveugle et drastique (...) à l'heure où l'on veut transformer notre agriculture, à l'heure où l'on demande une transition de notre modèle agricole. »

En Guadeloupe aussi, j’ai, avec mon équipe, initié un vaste chantier pour exploiter les potentiels de la Croissance Verte appuyée sur une exploitation durable et raisonnée de notre riche biodiversité.

Or le POSEI (qui cible les objectifs d’amélioration de l’approvisionnement des RUP en produits agricoles essentiels, ainsi que le maintien des filières historiques d’export et l’amélioration de l’auto-approvisionnement local par le soutien des productions de diversification) est un mécanisme vital pour nos producteurs. La France, mais aussi l’Espagne et le Portugal doivent tout entreprendre pour qu'il y ait un maintien de l'enveloppe agricole consacrée aux RUP. Je serai vigilant au maintien de cet outil qui a fait ses preuves en faveur du développement de l’agriculture en outre-mer. Ce secteur stratégique qu’est notre agriculture a une mission essentielle : nourrir notre population tout en préservant nos ressources naturelles pour les générations futures.

Pour la Région Guadeloupe, ce secteur offre de précieuses opportunités de création d’emploi et, de plus, contribuerait très efficacement à notre sécurité et notre souveraineté alimentaire. Ces opportunités, je souhaite que nous les saisissions pleinement et j’aimerais savoir l’Europe à nos côtés. Aux côtés de nos agriculteurs, j’affiche quant à moi la constance de notre détermination. Face à la mobilisation commune des RUP et des acteurs du secteur agricole, relayée par les députés
européens ultramarins, la Commission européenne s’est engagée ce mardi 26 juin 2018, à revoir sa copie et à ne pas diminuer le budget du POSEI pour la période 2021-2027.

Ce que nous souhaitons c’est un accompagnement pour véritablement libérer le potentiel de notre économie et ce dans tous les secteurs.

Nous savons tous que l’Europe traverse de graves difficultés. L’objectif des États membres à court terme sera de reconstruire son socle de confiance en réglant les sujets qui divisent tels que la politique migratoire, la sécurité intérieure et extérieure de l’UE et l’onde de choc provoquée par le « BrExit ». Nous suivons avec gravité, les échéances électorales passées et à venir dans différents pays de l’Union et leurs conséquences sur la refondation du projet européen. Dans le contexte actuel, où la tentation d’un repli sur soi est grande, nous devons, par nos positions géostratégiques défendre le potentiel de nos régions. Nous avons besoin de l’Europe, mais l’Europe à besoins de nous. Nous sommes à proximité de pays en plein essor économique avec des croissances soutenues qui font rêver les Européens.

Nous avons la possibilité de relever, avec l’Europe, de grands défis notamment en matière de développement durable et de gestion des conséquences des dérèglements climatiques. L’ambition que je porte, est de faire de la Guadeloupe le moteur de l’économie de la mer et de la croissance verte et bleue. »

Ary Chalus,
Président de la Région Guadeloupe