Mon unique priorité est la santé et la sécurité des Guadeloupéens.
Au cours des dernières semaines, j’ai affirmé à plusieurs reprises ma position : je suis opposé, à une reprise des cours le 11 mai dans les établissements scolaires de notre archipel.
Ce choix repose en premier lieu sur les préconisations du Conseil Scientifique COVID-19 qui me semblent difficilement réalisables dans les délais et les moyens impartis.
A l’échelle nationale, les associations d’élus et notamment l’AMF se sont prononcées contre l’ouverture des établissements. Les arrêtés municipaux d’interdiction se multiplient dans l’Hexagone.
36 communes de l'agglomération Lens-Liévin du Pas-de-Calais ont annoncé que les portes des 180 écoles resteront toutes closes. 329 maires d’Île-de-France ont signé un courrier adressé au président de la République dénonçant un déconfinement « à marche forcée » et demandant que la date de la rentrée scolaire soit repoussée.
Les élus exigent aujourd’hui du gouvernement un protocole national d’organisation de réouverture des écoles qui soit harmonisé avec l'ensemble des communes ainsi qu’un guide de bonnes pratiques.
Je me joins à ces requêtes pensant aussi que ces outils sont fondamentaux pour assurer sereinement la reprise.
Le Premier Ministre, Édouard Philippe a annoncé la semaine dernière une plus grande souplesse pour les départements selon qu’ils soient classés « vert », « orange » ou « rouge ».
Au-delà de l’octroi d’une plus grande marge de manœuvre, se pose la question de la capacité d’action et du cadre législatif des édiles. En effet, qu’en est-il de leur responsabilité pénale vis-à-vis des citoyens en cas d’incident ?
Ce contexte nouveau et inédit, ne pèsera-t-il pas sur leurs décisions ? Sur les rapports élus/administrés ? Et plus généralement sur la cohésion au sein des villes ? Qu’adviendrait-il de la protection judiciaire des chefs d’établissements durant cet état d’urgence sanitaire ? Ce sont là des questions pour lesquelles les réponses demeurent encore en suspens.
Nos voisins s’inscrivent dans la même lignée. Mes homologues de Martinique et de Guyane ont récemment fait savoir que les lycées et collèges resteraient fermés. Les écoles maternelles et élémentaires reprendront quant à elles, en septembre 2020 conformément à la position que partagent l'Association des Maires de la Martinique et celle de Guyane.
À l’échelle de notre archipel, cette décision doit être collective. C’est la raison pour laquelle, la CTAP de ce matin est exceptionnelle. Un format inédit avec la participation, ainsi que je l’ai souhaité, des syndicats d’enseignants et des représentants des fédérations de parents d’élèves.
Dans ce processus de discussion, il est primordial que les décisions finales soient l’émanation du plus grand nombre et des premiers concernés.
Les députés et les sénateurs ont également proposé au Recteur d’académie lors de la dernière conférence, de réunir le Conseil de l’Éducation Nationale, instance privilégiée de concertation de ces acteurs. Chacun d’entre eux doit être consulté : syndicats d’enseignants, parents d’élèves, rectorat, personnels communaux, élus.
Les maires guadeloupéens sont pour leur part, unanimes à exprimer leur inquiétude s’agissant du 11 mai. Nous avons eu l’occasion d’en débattre longuement au cours des dernières CTAP.
Les scénarios présentés par le Ministère de l’Éducation Nationale et relayés par les services du Rectorat ne sont pas parvenus à rassurer. Pour cause, l’impréparation des personnels, le peu de moyens matériels alloués aux collectivités figurent parmi les arguments des responsables politiques qui estiment que les conditions sanitaires et les règles d’hygiène ne sont pour l’instant pas réunies.
Au surplus, d’autres problématiques sont encore à résoudre : la restauration collective ; l’organisation du temps périscolaire ; la formation du personnel au respect des gestes barrières ; la désinfection des locaux ; l’aménagement des salles; la fourniture de matériels de protection ; la garantie de l’alimentation en eau potable…
Défavorable à une réouverture générale, je souhaite, en revanche, mobiliser les moyens disponibles pour répondre au dilemme social que pose le confinement. Les chiffres sont inquiétants. L’archipel connaît une augmentation des violences intrafamiliales, jusqu’à 20% d’élèves décrocheurs tous niveaux confondus majoritairement dans les ZEP et les lycées professionnels. Je ne peux ignorer cette situation.
A l’heure où le gouvernement parle du principe du « volontariat des parents » comment ignorer les disparités et les inégalités qui risquent de s’accentuer entre nos enfants ?
C’est la raison pour laquelle, dans un premier temps, une attention particulière devrait être portée aux élèves en difficultés sociales et en rupture pédagogique.
J’appelle à un partenariat entre le rectorat, les chefs d’établissements, les collectivités et les services sociaux pour mieux aider ces élèves. Traiter les cas individuellement, aménager un temps et des conditions de reprise sont pour moi, des éléments prioritaires.
Ces premiers retours d’expériences et ces approches innovantes nous permettront de mieux préparer la rentrée scolaire 2020-2021. Parce qu’en notre qualité d’élus responsables, comme nous l’avons toujours fait depuis le début de la crise, il nous appartient d’avancer à notre rythme, selon nos réalités et par-dessus tout, à l’aune de nous-mêmes.
La Région Guadeloupe, pour sa part, poursuit ses actions.
Nous contribuons à réduire la fracture numérique entre élèves par le prêt d’ordinateurs pour l’apprentissage à distance. Les communes de Marie-Galante se verront prochainement attribuées 200 tablettes à cet effet. Nous continuons à solliciter les opérateurs téléphoniques afin que l’accès aux sites éducatifs soient gratuits et illimités pour les élèves et étudiants jusqu’à la reprise effective des cours.
Réussir la rentrée scolaire, c’est aussi renforcer la fabrication locale de masques et de gels hydro-alcooliques.
Créer une centrale d’achat à destination des collectivités et établissements publics locaux (EPL).
Enfin, nous avons reformulé notre engagement visant à respecter la multiplication de l’offre de transport scolaire pour réduire la densité des élèves dans les bus.
Mesdames et Messieurs,
Qu’y a-t-il de plus important que la scolarisation de nos enfants ?
Hier, en tant que maire, rien ne me rendait plus fier que d’inaugurer un nouveau groupe scolaire. Je suis donc pleinement investi des défis à relever pour le bon fonctionnement de nos établissements. Je suis aussi conscient des enjeux relatifs au respect des normes sanitaires qui garantissent la santé de nos enfants et celle des membres de la communauté scolaire.
De la concertation, de la collégialité, naîtra un positionnement commun en faveur de solutions pédagogiques adaptées à notre réalité.
L’éducation détient un rôle central et stratégique pour notre société. Bien éduquée, bien formée, notre jeunesse est l’avenir de notre pays !
Avant de clôturer mon intervention, je voudrais réitérer qu’en tant que président de la collectivité cheffe de file du développement économique, je reconnais le lien étroit entre relance économique et rentrée scolaire.
Les entreprises particulièrement les TPE souffrent des impacts de l’épidémie. Dès le mois de mars, un Plan Régional d’Urgence a été décrété et décliné en plusieurs mesures parmi lesquelles un fonds d’urgence, des distributions de masques aux fédérations de professionnels, des actions de solidarité envers les personnes âgées et isolées, la réouverture des marchés en plein air.
Nous travaillons également avec les acteurs du monde économique, les services de l’État et les collectivités aux modalités de la reprise.
Je refuse que la crise que nous traversons s’accompagne d’un désastre social et économique. En cela, poursuivre la gestion sanitaire de cette épidémie est fondamentale.
Réussir le déconfinement c’est avancer ensemble, en demeurant solidaires pour sortir plus forts de cette difficile épreuve.
Je vous remercie.